La prise en compte du genre dans l'évaluation des risques

La prise en compte du genre dans l'évaluation des risques

Où en est-on ?

 

 

Comme le rappel depuis des années l’Agence européenne pour la santé et sécurité au travail « Des efforts continus sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail à la fois des femmes et des hommes.

 

Toutefois, l’adoption d’une approche voulant ignorer les différences entre les hommes et les femmes dans l’évaluation et la prévention des risques peut avoir pour conséquence de sous-estimer, voire même de négliger, les femmes au travail. Lorsque nous évoquons les risques au travail, nous pensons généralement aux hommes travaillant dans des secteurs à haut risque, du type sites de construction ou navires de pêche, plutôt qu’aux femmes travaillant dans le secteur des soins de santé ou de l’assistance sociale, ou encore dans de nouveaux secteurs tels que les centres d’appel.

 

Un examen approfondi des circonstances réelles de travail révèle qu’aussi bien les femmes que les hommes peuvent être confrontés à d’importants risques au travail. Par ailleurs, rendre le travail plus facile pour les femmes, c’est également le rendre plus facile pour les hommes. Il est par conséquent important d’intégrer les questions de genre dans les évaluations de risques au travail; quant à l’intégration des politiques d’égalité entre les hommes et les femmes dans la prévention des risques, elle représente désormais un objectif que poursuit la Communauté européenne. »


Depuis le 6 août 2014 (loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes), l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, doit tenir compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. En conséquence, le DUERP doit contenir, face à chaque danger identifié, une évaluation propre aux femmes et une évaluation propre aux hommes.


Article L. 4121-3 du code du travail : « L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l'organisation du travail et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe ».

 

Une obligation qui peine à se mettre en place …

Aujourd’hui, comme l'indiquait le groupe permanent d'orientation du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) dans une déclaration du 4 septembre 2020, la mise en œuvre de cette obligation d'évaluation genrée des risques professionnels dans les entreprises « fait souvent défaut et rencontre de réelles difficultés ».


Parmi les difficultés identifiées figurent notamment :

  • « la crainte de l'employeur, par manque d'information, de se rendre coupable de discrimination au regard des injonctions multiples qui visent à éviter tout traitement différencié ou de s'immiscer dans la sphère personnelle et privée de la salariée ;
  • la crainte du préventeur d'accroître ce risque de discrimination ;
  • la difficulté à moduler l'évaluation des risques professionnels selon le sexe (ou tout autre critère d'ordre personnel) alors que la rédaction du DUERP est perçue comme un exercice complexe par grand nombre d'entreprises ;
  • l'absence de solution adaptée susceptible de répondre aux risques professionnels dont les effets sont différenciés selon le sexe ;
  • la sous-estimation dans les politiques publiques de l'enjeu que représente la prise en compte de la singularité homme-femme dans l'évaluation des risques professionnels ».

 

Face à ces difficultés pointées, les membres de la commission du COCT proposent de les dépasser, notamment en informant et accompagnant mieux les employeurs sur la question « du genre en santé au travail » et en faisant sauter certains verrous-fausses idées :

  • Il convient dans un premier temps de rassurer les employeurs en leur rappelant que « différencier » ne signifie pas « discriminer », c’est tout le contraire
  • Il est indispensable de faire comprendre aux employeurs l’urgence et l'intérêt de procéder à une évaluation différenciée des risques professionnels (de leur identification à leur gestion/maîtrise), selon le genre, notamment au regard de l'évolution inquiétante des statistiques de maladies professionnelles et accidents du travail chez les femmes dans certains secteurs d'activité

Focus sur les maladies professionnelles (MP) en France

Elles concernent au total en 2019 plus de 50 000 personnes, autant de femmes que d’hommes. La progression des MP sur 19 ans est forte et constante dans l’ensemble (+108%). Mais elle est deux fois plus rapide pour les femmes (+158,7%) que pour les hommes (-73,6%). Toutefois, depuis 2011, on constate une diminution puis une stabilisation du nombre de maladies professionnelles reconnues pour les femmes comme pour les hommes, compte tenu de l’évolution de leurs modalités de reconnaissance.

 

En 2019, les activités de services : santé, action sociale, nettoyage, travail temporaire et les services, commerces et industries de l’alimentation totalisent le plus grand nombre de MP déclarées et reconnues pour les femmes. Les secteurs du BTP et de la métallurgie comptent le plus de maladies professionnelles déclarées et reconnues pour les hommes.

 

  • Il est important que les entreprises soient accompagnées/sensibilisées dans leur démarche par de nouvelles approches/outils pour les aider à mieux intégrer l’approche différenciée (genrée) de l'exposition aux risques professionnels dans le DUERP et, dès lors, inclure les risques spécifiques auxquels les femmes peuvent être exposées au travail, tels que les violences sexuelles et sexistes au travail par exemple, les risques psychosociaux ou les troubles musculo-squelettiques. Comme le soulignait Florence Chappert de l'Anact devant la délégation le 23 mars 2023, « en entreprise, l'évaluation des risques n'est pas réalisée à partir des conditions de réalisation réelle du travail, selon le métier, le statut, le sexe, l'expérience, l'âge. C'est ce qui conduit à des Documents uniques d'évaluation des risques professionnels (DUERP) qui consignent des dangers, risques et cotations, mais ne disent rien des populations exposées ».
      • L'élaboration par les employeurs d’un DUERP qui réponde à des critères de différenciation selon le sexe doit nécessairement faire l'objet d'un accompagnement des entreprises, notamment au niveau régional : Dreets, directions régionales aux droits des femmes et à l'égalité, services de prévention et de santé au travail (SPST), agences régionales d'amélioration des conditions de travail (Aract), agents des Carsat, INRS, … 
 
  

Pour aller plus loin

 

 

 

  • INRS